Christine et Nick

Mots : Muriel Françoise Photos : Sylvie Li

Le loft de l’architecte Christine Djerrahian et de l’entrepreneur Nick d’Urbano, au centre-ville de Montréal, surplombe le jardin d’une cathédrale. Le bâtiment qui l’abrite est une ancienne imprimerie du début du siècle dernier, à quelques minutes de marche de celle du grand-père de Christine au Vieux-Port. Ces New-Yorkais d’adoption, qui se sont rencontrés à l’ouest de l’île à dix-huit ans, ont décidé de revenir à Montréal pour fonder une famille et développer leurs projets professionnels.

« Montréal a beaucoup changé ces dernières années. Il y a plusieurs studios de design et d’architecture incroyables. Il était important pour nous de faire partie de la renaissance de la ville. »

Le loft aux murs de briques et aux hauts plafonds est le premier projet du Future Simple Studio fondé en 2019 par Christine. Dans cet espace au passé industriel ravivé, deux grandes boîtes vitrées, réservées aux chambres, permettent de conjuguer envie d’espace et besoin d’intimité. L’architecte s’est lancé le défi d’intégrer la nature en milieu urbain. Le bois a donc ici la part belle. Il structure et meuble l’espace, et lui donne une âme. La végétation grimpe sur les cloisons, se reflète sur les miroirs et vitres qui renvoient la lumière du soleil. Un terrain de jeux parfait pour Milo, deux ans.

« Nous entendons le bruit de la ville, mais nous ne voyons que des feuilles. C’est une expérience de vie assez surréaliste, un peu comme une bulle dans la ville. »

Le minimalisme, dans son interprétation humaniste, régit les lieux. L’intérieur compte ainsi peu de meubles, presque tous de designers québécois ou de la main de Christine.

« Si un objet ne possède pas une histoire ou ne reflète pas une émotion forte, il ne mérite pas de venir dans le loft. Il y a, par exemple, dans le coin bureau, une vieille machine à écrire d’une boutique vintage de Tribeca que Nick m’a offerte pour mes trente ans. Je restais toujours en admiration devant elle lorsque je passais devant la vitrine. »

Le goût des choses justes a inspiré à Christine la création de la marque de sacs Atelier YUL en 2016. Ces collections pensées pour les créatifs, accompagnés de projets ou d’équipements peu compatibles avec l’offre de l’industrie de la mode, sont fabriqués à Montréal après une phase de prototypage qui se fait souvent avec une machine à coudre sur le long îlot de pierre de la cuisine. Dans cette grande pièce aux airs de galerie des glaces, les matins de week-end, la vie s’écoule lentement sur un fond de jazz avec du café dont les grains proviennent de torréfacteurs locaux ou du Blue Bottle Coffee par nostalgie de la vie new-yorkaise de Christine et de Nick.

futuresimple.studio
theatelieryul.com

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Zoë Mowat

Mots : Muriel Françoise Photos : Sylvie Li

La designer Zoë Mowat vit et, souvent, crée dans un appartement haut perché proche du quartier coloré de la Petite-Italie, à Montréal. Cette fille d’artiste originaire d’Edmonton, en Alberta, s’est installée dans la métropole québécoise lors de ses études. Designer nomade, toujours prête à partir en voyage ou en résidence à l’autre bout du monde, elle aime travailler hors des murs de son appartement ou de son studio à quelques pas de là, que ce soit dans un parc, un café ou une bibliothèque. Elle nourrit d’ailleurs en partie son inspiration du tissu urbain environnant.

« À Montréal, tout est possible. D’où qu’ils viennent, les gens sont relax… ils se sentent à leur place. Et il en est de même pour la ville où différents styles architecturaux se côtoient librement. Rien n’est tape-à-l’oeil, et j’aime beaucoup ça. »

Dans son intérieur, comme dans sa démarche exploratoire, elle joue avec les matières, les couleurs, les formes, l’équilibre... en totale liberté, sans crainte ni de croiser les influences ni de s’écarter d’un style. Produits et prototypes cohabitent avec des pièces de design vintage, ainsi que des souvenirs de voyages et de famille posés ça et là.

« En tant que designer d’objets, je réfléchis beaucoup à notre rapport avec ceux-ci, surtout depuis que j’ai perdu toutes mes affaires dans un accident lorsque j’ai déménagé à Montréal il y a douze ans. Cette mésaventure m’a fait prendre conscience du caractère éphémère des choses. J’aime vivre entourée de petits objets qui me rappellent une personne ou une expérience. Je suis portée vers ceux qui remplissent naturellement leur fonction, des pièces belles, curieuses ou porteuses de sens. » 

Et, en résonance à la créativité plurielle de Zoë, également DJ à des soirées privées, un coin est dédié à la musique. Dans la bibliothèque du salon, les livres cèdent la place aux platines et aux vinyles vintage. Le mélange des genres est ici un exercice quotidien.

« J’écoute de la musique toute la journée quand je travaille. Cela m’aide a trouver un rythme productif. J’ai toujours été attirée par celle-ci, et j’ai des goûts très éclectiques. C’est important pour moi d’avoir des centres d’intérêt hors du monde du design. Programmer de la musique est une façon rafraîchissante de créer sans avoir l’impression de travailler. ».

zoemowat.com

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Raphaëlle et Cyril

Mots : Muriel Françoise Photos : Sylvie Li

La décoratrice et journaliste parisienne Raphaëlle Esneault a choisi un appartement avec vue sur le quartier vert d’Outremont pour enraciner la vie montréalaise de sa tribu formée de son mari Cyril, chef de cuisine, et de leurs trois enfants : Scarlett, 12 ans, Alix, 10 ans, et Camille, 4 ans. Dans cet intérieur de style paquebot, les angles se font courbes, la douceur habite l’espace à vivre, à jouer et à créer.

« Lorsque nous l’avons visité pour la première fois, j’ai trouvé ce grand intérieur blanc apaisant, un peu comme une page blanche laissant libre court à la créativité, exactement ce qui nous correspondait avec nos métiers visuellement très riches. »

La cuisine, noyau de cet intérieur aux airs de loft, est le point d’ancrage des diverses activités qui s’y déploient : peinture, écriture, photographie et, bien sûr, cuisine avec dégustation de mets maison en cours de préparation. Dans les chambres des enfants, comme un peu partout dans l’appartement, des meubles chinés, notamment à Prague où vivait précédemment la famille, personnalisent le home sweet home de ces nomades modernes.

« Notre vie influence beaucoup la décoration. Nous achetons peu de pièces, toujours simples et légères qui peuvent être déplacées facilement et dont nous ne risquons pas de nous lasser. Chaque meuble, choisi avec les enfants, a une histoire. » 

Raphaëlle prend également plaisir à dénicher des pièces rares chez les antiquaires comme des fauteuils fifties du designer tchèque Jindrich Halabala revêtus d’un lainage rose tendre, et placés face à une table en marbre Art déco. Juste devant la fenêtre du salon, à hauteur d’oiseaux voyageurs.

@raphaelle_esneault

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