Élise Peroi

Mots : Muriel Françoise Photos : Thomas Jean Henri

En fée des temps modernes, l’artiste bruxelloise Élise Peroi entremêle les disciplines avec grâce en évoluant entre des espaces aux contours flous. Ses œuvres textiles, qui prennent leur source dans la nature, les mythes et les rencontres, dévoilent un univers créatif sensible où le geste imprime son rythme de façon silencieuse, mais précieuse.

Pour quelle raison avez-vous choisi le textile comme médium artistique ?

Le travail de tissage, qui impose patience, répétition et mécanique corporelle, m’a très rapidement interpellée sur ce temps passé à l’ouvrage, mais également sur ce qui, par ces gestes répétés, donne une forme de danse, en référence aux écrits de Paul Valery dans « La Philosophie de la danse ». La pièce créée résulte de mouvements entrecroisés qui se retrouvent condensés dans l’œuvre elle-même. Celle-ci porte alors la mémoire de ce temps passé à l’exécution, souvent invisible. Pourtant ce qui précède est comparable à un bourgeon. Il se joue en général dans l’atelier toute une dramaturgie qui relève de la puissance du processus. C’est ce que j’essaie d’explorer et de traduire dans mon travail de sculpture textile et de performance.

Tapisseries, sculptures, performances... vos créations entremêlent merveilleusement les genres, quel est votre fil rouge ?

Le rapport au corps, qui accompagne ma pratique textile et particulièrement le tissage, opère un déplacement, et questionne en permanence la manière d’appréhender ma relation à l’œuvre et sa finitude. J’aime imaginer que le temps, l’outil de la création, soit présent au sein même de l’œuvre. C’est de cette manière que mon travail a commencé à prendre le volume qui le caractérise et qui fait écho à celui créé lors de l’entrecroisement des fils sur le métier à tisser. Au-delà de la traduction d'un souffle, je me suis rendu compte que cet espace vide, ce « non tissé » et ce moment suspendu étaient autant de promesses, de possibles, de gestes à poursuivre.

Le textile raconte des histoires depuis la nuit des temps. Quelle narration suggérez-vous à travers votre pratique ?

Je m’inspire de techniques ancestrales propres au tissage, à la tapisserie et aux arts textiles pour lesquels le geste a autant de valeur que le résultat. C’est un travail dans lequel la notion de temps et de patience prend aussi toute son importance. Mon travail est un travail d’écriture qui utilise la trame, et empreinte aux aptitudes d’expressions corporelles pour retranscrire des pensées diverses, inspirées de mes lectures, des mythes anciens et de mes rencontres avec l’homme et la nature. La notion de répétition est aussi déterminante. Dans celle-ci, le concept de cycle, de mouvement permanent induit par le geste, m’amène à introduire dans mon travail des formes d’écritures extensibles à l’infini qui me permettent de jouer sur le caractère inépuisable de l’acte créateur. Il en ressort des installations dont la charge visuelle captive et oblige le spectateur à se positionner dans l’espace-temps revisité.

eliseperoi.com

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