Poppy Lawman

Mots : Muriel Françoise Photos : Poppy Lawman

Sculptrice et designer, Poppy Lawman cultive un intérêt marqué pour les lignes et la matière première. Ses objets poétiques, conçus dans son studio sous les toits d’Oslo, ponctuent le décor et rythment les journées au fil de rituels ressourçants. De nouveaux essentiels.

Tu es née dans la campagne londonienne, tu as étudié la sculpture à Los Angeles et le design à Oslo, où tu vis aujourd’hui. De quelle façon ce parcours se ressent-il dans ta création ?

Chaque endroit m’a apporté quelque chose d’unique et permis de découvrir le chemin que je souhaitais emprunter au lieu de suivre celui qui semblait tout tracé. À Los Angeles, j’ai ainsi appris à penser de façon créative, à creuser des idées et à leur donner forme. À Londres, j’ai réussi à transformer la créativité en modèle d’affaires durable. Et à Oslo, où je vis depuis quatre ans, j’ai découvert comment associer art, design, affaires et éthique. Non pas en vue d’une carrière, mais plutôt d’un mode de vie correspondant à mes convictions en matière de rapport entre les objets, les hommes et la planète avec le bien-être en ligne de mire.

Comment le minimalisme cher aux Norvégiens résonne-t-il en toi ?

La Norvège, comme les autres pays scandinaves, est connue pour son amour des intérieurs et objets minimalistes qui, au-delà de leur fonction et grâce à des formes réfléchies, honorent la matière dont ils sont faits en nous ancrant dans le monde. J’espère que ce mode de vie, avec moins d’objets, mais porteurs de sens, va continuer à trouver un écho hors de ses frontières.

Ta participation à l’exposition (virtuelle) Norwegian Presence en avril 2020 a mis en lumière ton siège en pâte à papier compressée Papirstein. Comment l’idée de ce meuble a-t-elle germé ?

Le siège Papirstein est fabriqué en pâte à papier d’épinette compressée grâce à une collaboration avec une papeterie norvégienne centenaire. La Norvège a une longue histoire d’exportation de pulpe de papier provenant de ses grandes forêts de conifères. Les longs grains de leur bois en font une matière première idéale pour la fabrication de papier et la compression. J’ai voulu mettre en lumière ce matériau à l’apparence fragile qui est au centre d’une économie circulaire. Utilisé d’une façon nouvelle, il permet de fabriquer des meubles qui nous connectent à la nature, et peuvent réintégrer son cycle en fin de vie.

Alors que la pandémie que nous traversons a mis à l’épreuve les designers, elle t’a inspiré une série d’objets à la croisée de l’art et de l’utilitaire. Peux-tu nous en parler ?

Ses seize derniers mois, la pandémie a été une préoccupation majeure pour beaucoup d’entre nous. L’obsession pour la propreté qu’elle a entraînée m’a inspiré la collection Ren centrée sur le nouveau rituel du lavage des mains. Ces brosses visent à rendre ce moment plus agréable. Leurs lignes sont arrondies, comme si elles avaient été polies par l’eau vive, et leur surface brûlée grâce au Shou Sugi Ban, une technique traditionnelle japonaise permettant de protéger le bois. Ces objets utilitaires aux formes sculpturales sont destinés à être appréciés au-delà de leur fonction première.

Qu’il s’agisse d’un banc, d’une lampe ou d’une brosse, tu revendiques toujours la transparence du processus à l’origine de chaque pièce. En quoi celle-ci est-elle essentielle à tes yeux ?

Dans notre société moderne, on peut facilement perdre le rapport entre l’objet et la démarche qui lui a donné forme. La transparence quant à la matière et la technique dont il est issu permet de lui conférer de la valeur. Je chercher à créer des objets qui interpellent l’œil, mais aussi le cœur. Des choses dont on ne se débarrasse pas sur un coup de tête, parce qu’elles sont porteuses d’une histoire et d’une éthique à laquelle on veut croire.

Quels sont les objets dont tu aimes t’entourer au quotidien ?

J’aime m’entourer d’objets faits par des gens que j’ai rencontrés ou dont l’approche créative me plaît, c’est-à-dire avec soin et en conscience. On trouve aussi chez moi des matériaux posés dans le décor comme des sculptures : des pierres, des briques, des branches, etc. ramenées de voyages ou conservées pour leur forme ou leur texture. Depuis quelque temps, je collectionne aussi des outils d’artisans des quatre coins du monde, principalement des brosses et des ciseaux. Des objets simples qui, en fonction de la matière et de la façon dont ils sont faits, peuvent changer leurs utilité et plaisir d’utilisation.

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